Dans son livre « l‘unique trait de pinceau » l’artiste calligraphe Fabienne Verdier a écrit : « S’absorber, devenir silencieux et attentif comme une souche, se faire un cœur minuscule, réceptif aux plus infimes merveilles, tandis qu’en soi, ineffablement, se transmuent les mystères ».

Apprendre

Longtemps je me suis demandée si l’apprentissage de la technique photographique, au lieu de faciliter la maîtrise du maniement de l’appareil, n’allait pas me priver de la liberté d’inventer, tâtonner, expérimenter des compositions sans tenir compte de ce qu’il était possible ou non d’obtenir, sans anticiper le résultat.

J’aime par dessus tout le plaisir irrationnel qui m’envahit à l’idée que cet objet quasi mystérieux, mis à ma disposition après des décennies de recherche technologique et que j’ai la chance de posséder, va me permettre, à l’issue d’heures palpitantes, de percevoir les splendeurs d’un univers à peine visible à l’œil nu.

Solitude choisie

La sécurité des biens et des personnes pouvant devenir problématique en Guyane, photographier en toute discrétion ou dans des lieux très isolés est souvent le meilleur moyen d’éviter la convoitise.
Bien sûr, les jardins du littoral regorgent de variétés tropicales, toutes plus luxuriantes les unes que les autres. Mais marcher silencieusement en forêt amazonienne, étourdie du bruissement et du bavardage de la faune à la pointe du jour, longer les criques aux eaux noires miroitantes et s’extasier devant l’incroyable inventivité du règne végétal dans son état le plus primaire est un plaisir inégalable, un de ces cadeaux précieux dont la mémoire reste intacte toute une vie.
Dix années passées en pleine forêt sur les rives du fleuve Mana, loin de tous villages, de toutes communications, sans électricité ni eau courante ni murs ni fenêtres laissent probablement quelques empreintes significatives, parfois décalées au regard d’un monde occidental où il est souvent question de performance et de compétitivité.

Autodidacte

Sans autre accompagnement que de rares magazines spécialisés trouvés dans les points de vente des petites villes de Guyane, l’apprentissage de la technique macro donc, s’est révélé plus aléatoire que prévu, à tel point que l’essentiel de mes photos étaient d’abord réalisées selon un mode disons . . . plus intuitif.

 

Mais au fil du temps et au prix d’un peu de discipline, l’univers complexe de la macro végétale m’a non seulement offert de bien belles surprises mais des pistes de réflexion qui m’ont emmenées loin au delà de la contemplation d’une forme parfaite.
Je n’essaye pas de reproduire le réel, tant de photographes le font si bien !
Mais lorsqu’une fleur sauvage, une herbe ou une écorce, humble et minuscule dans la diversité des paysages auxquelles elle appartient, m’attire subitement, elle devient le passage secret qui m’entraîne entre le miroir des apparences et les douces incertitudes de mon imagination.

Art végétal

Fleur, feuille ou arbre, je ne connais pas toujours ton nom, ne t’ai jamais étudié dans les Universités ou les livres érudits, ne sais presque rien de ta fragile existence, des prouesses que tu as accompli pour surmonter d’innombrables épreuves. Mais tu es là, pour une heure, un été ou un siècle, bienveillant au regard des passants.
Graminée ou coquelicot d’un jour, frêle éclat de bois enroulé dans les plis d’une racine, vous m’offrez l’inestimable, le perpétuel renouveau de mes facultés sensitives dont certaines, peut être les plus puissantes, échappent à toute tentative d’écriture. Vous distillez sous ma peau les frissons d’un instant, m’invitez à l’émerveillement et nourrissez l’une des qualités indispensables à notre Nature humaine, l’Inspiration . . .

Graphic world

Évidemment, à y regarder de très près, tout dans la nature ne présente pas la même valeur esthétique. Un enchevêtrement de ronces sur un sol boueux ne captive pas le regard comme une prairie colorée scintillant dans la lumière d’un matin printanier. Et pourtant, nous passons souvent en aveugle devant des trésors dispersés au bord d’un chemin ou sur un talus, quelque soit la saison. La plus improbable balade devient alors un jeu de piste qui aiguise nos sens, à la recherche d’un micro tableau vivant mêlant lumière, espaces, lignes et textures pour peu qu’une feuille oubliée se prélasse élégamment dans un joli contre jour, nous dévoilant la palette nuancée de sa transparence.

Un matériel accessible

Les photos de ce portfolio ont toutes été faites à main levée, même si les conditions de prises de vues sont différentes d’un continent à l’autre. Après le boîtier Nikon D90 et l’objectif macro Tamron 90mm prêté par un ami, j’utilise maintenant le D7100 avec l’AF-S Micro 60mm 2,8 G, une bague allonge de 24mm, de grandes ouvertures pour de faibles profondeurs de champs et tous les sens en éveil !

Itinéraire atypique

D’abord tisserande, j’installe mon atelier au bord de l’océan à Quiberon, tout en enseignant une partie de l’année la diversité des techniques de tissage et de teintures végétales aux portes de la vallée des Merveilles dans le Mercantour.

Je continue mes études dans le sud de la France, devient sculpteur textile puis plasticienne et embarque finalement en 1986 avec mes enfants sur un voilier en direction de l’Amérique du sud. Après avoir vécu au Brésil et dans les Caraïbes je m’installe en Guyane française, enseigne les arts plastiques et présente de nombreuses expositions d’art végétal dont on peut retrouver des exemples sur son site internet : www.endehors.fr

Contact : sylvieichault@yahoo.fr